Anne Tiddis et ses personnages
Il me semble qu’un auteur est déjà en exil avec lui-même parce qu’il a un monde spécifique, un univers qu’il pétrit de son imaginaire. C’est une nécessité de se sentir en exil de quelque chose. Mes personnages en général habitent cette quête d’eux-mêmes, poignante légende d’une vie où grâce à la magie d’une terre nourricière, ils pensent continuer à exister en emportant avec eux des lambeaux de souvenirs qui les plongent dans la tribu barbare des âmes écorchées. Mais ils sont aussi doués de l’innocence primitive qui leur permet de braver l’insolence du jour. « Va vers toi » disait Abraham. N’est-ce pas le travail de l’écrivain ? Et pour cela, ne faut-il pas que les chemins de l’écriture passent par les arcanes des racines accrochées aux souvenirs de ce qui nous forge pour finalement se fourvoyer vers les chemins inconnus, sombres, scabreux que sont les errances intérieures ?
Le plus fort de l’exil est sans doute l’aveuglement dans la dérive de l’oubli de soi qui conduit l’exilé dans une forme de mort lente. Un homme d’exil par définition vient de quelque part, il peut rêver à ses paysages, à des visages aimés. Mais un être qui n’a qu’un brouillard comme repère, sans identité définie, tramera sa propre tragédie et s’exclura de sa propre mémoire. Il ne saura que gémir l’amour dont il ne connaît que l’arrachement, trop blessé pour en accepter l’illusion, trop envahi par une fatalité inexorable, laquelle finira par le conduire jusqu’au meurtre. Mais c’est là que la peau frémissante de l’imaginaire sauve parfois mes personnages : la terre d’accueil est en toi, choisis ton paysage, fabrique-le de ton sang. L’exil ne serait-il alors que d’une terre viscéralement possédée ? Combat entre chair et chant, entre mémoire et oubli, entre terre et ciel, entre réel et rêve. Et, le recours à la pudeur du merveilleux où l’onirisme et le sacré côtoient le poétique, me permet de porter un hymne à la vie.
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